La Grande Galerie de l’Evolution du Jardin des Plantes
Les gens qui vivent dans une ville comme Paris n’ont que très peu de rapport avec les animaux. Pour un parisien, un animal, c’est un pigeon, un insecte, un chien, un chat, et de temps à autre, une souris ou un rat. Les animaux de la ferme, c’est du folklore de campagne, les animaux sauvages, ils sont en cage ou à la télé. Pour rapprocher les animaux des citadins, on a créé des zoos, des ménageries, mais aussi des lieux où l’on pouvait venir voir des animaux… empaillés. La Grande Galerie de l’Evolution, un des principaux pôles d’attraction du Jardin des Plantes, en est le plus sublime exemple au sein de la Capitale. Petite promenade un dimanche après-midi de début de Printemps.
Le concept nous vient du XIXe siècle, à une époque où il n’y avait pas de télévision ni Internet. La volonté des scientifiques de l’époque était de montrer les différentes espèces animales, sans avoir forcément à les nourrir. Il est en effet bien plus simple de présenter des animaux empaillés que des animaux vivants! Inaugurée en 1889, en même temps que la Tour Eiffel, la Galerie de Zoologie, dont les travaux débutèrent en 1872, servait à remplacer l’ancienne galerie, devenue trop exiguë pour tant de spécimens. Le bâtiment est splendide, une oeuvre de Louis-Jules André, avec son architecture typique de la fin du XIXe, toute en fer, et ses galeries autour d’un grand espace central, par où passe la lumière du jour, illuminant tout l’édifice.
Quand on ne peut pas aller au Zoo de Vincennes, c’est une bonne idée de venir à la Grande Galerie de l’Evolution avec les enfants, afin de leur montrer des animaux, même empaillés. Et les familles parisiennes viennent en nombre : l’endroit pullule d’enfants, je dirais même que cet espace est fait pour eux! Les explications fournies auprès de chaque animal sont assez sommaires, mais très didactiques. Il n’est pas possible de toucher aux animaux, pour leur conservation, mais on peut les regarder. Rangés par habitats, nous allons avoir d’un coté des animaux marins, au centre les animaux de la savane, et ainsi de suite.
La Grande Galerie de l’Evolution a du succès, en termes de visites, on y vient avec les enfants presque de la même façon qu’on viendrait au cirque ou au square. Je ne peux pas dire que pour ma part, j’ai appris grand chose sur les animaux. Mon intérêt primordial était de voir des ossements de dinosaures, il y avait une très belle exposition sur le sujet. Les expositions sont organisées cycliquement dans l’espace de la Grande Galerie, et font l’objet d’un ticket à part. L’édifice est très beau, j’aime beaucoup cette ambiance « vieille bibliothèque », mais à la place des livres, des bêtes empaillées. Le mélange du fer et du bois, les anciennes illuminations, on a l’impression de faire un voyage dans le temps. On se met à revoir mentalement ces scientifiques barbus, qui ont tant fait pour notre connaissance actuelle, à force de tentatives et de théories plus ou moins farfelues pour l’époque, mais aussi à force d’actions que l’on considérerait aujourd’hui totalement contraires à l’éthique. Une autre époque, donc.
Du coup, c’est peut-être ici que réside le problème principal de cette Grande Galerie de l’Evolution : le concept même d’exposer des animaux empaillés, ou plutôt, l’euphémisme « spécimens ». Un animal empaillé, je n’ai rien spécialement contre, surtout si on ne l’a pas tué exprès pour le taxidermiste. C’est toujours mieux que de voir les pauvres animaux souffrir en cage, loin de leur habitat naturel. Mais est-ce vraiment informatif? De nos jours, les zoos se dirigent vers de nouveaux concepts, des biozones, où on va recréer l’habitat de l’animal, afin de le présenter dans son contexte. Si c’est bien fait, comme pour l’aquarium de Lisbonne, nous pouvons avoir des espaces « éthiques », présentant au mieux les animaux, en minimisant au plus leurs souffrances. Dans un tel contexte de renouveau, dont le Zoo de Vincennes veut se faire le nouveau fer de lance, quel futur pour une galerie qui présente des animaux sans vie, souvent dégradés, mangés par les mites et les moisissures, ce que la Seconde Guerre Mondiale n’avait pas arrangé.
En effet, la Grande Galerie a bien failli périr, avec la coupure du chauffage : les variations thermiques sont mauvaises pour les spécimens. Après-guerre, la situation ne fera qu’empirer jusqu’à la fermeture définitive de 1966. Il faudra attendre 28 ans pour que la galerie ouvre à nouveau ses portes, après 4 ans de travaux. Il fallait restaurer les spécimens, certains ayant connus, dit-on, Louis XV, mais également réparer l’édifice et créer une nouvelle façon de présenter les collections. On choisira de montrer au public une perspective nouvelle, celle de l’évolution, et celle de la prise de conscience de la disparition de la bio-diversité. Nous avons donc ici un établissement présentant des collections d’animaux empaillés, avec un discours virant parfois presque à la misanthropie. C’est un contraste saisissant, que cette dépendance du Muséum d’Histoire Naturelle.
Pour ma part, étant plutôt fan d’architecture que de bestioles, c’est vraiment l’édifice en lui même que je retiens. Je préfère toujours voir un bel animal dans son milieu naturel, plutôt que d’aller dans un zoo les voir en cage ou empaillés. Il faut noter la grande verrière qui domine la galerie, devant apporter de la lumière à l’ensemble de l’édifice. Sauf que, comme vous pouvez le voir sur les photos, ce n’est manifestement pas suffisant! A l’entrée de la Galerie, un message nous présentant des excuses, il y a un problème avec l’illumination. En effet, certains couloirs, certaines vitrines ne sont tout simplement pas éclairées. C’est dommage, parce qu’il parait que l’illumination est changeante suivant l’heure du jour, afin de mieux mettre en valeur les spécimens. De nombreux points « multimédia » sont présents, un peu vétustes (gros écrans cathodiques comme on en faisait dans les années 90) mais toujours très informatifs pour les enfants.
Les salles annexes sont aussi très intéressantes, avec une Salle de la Découverte, permettant aux enfants de découvrir les animaux par des jeux et des maquettes, que l’on complétera par une visite à la Galerie des Enfants. La Salle des espèces menacées et des espèces disparues montre les animaux qui n’ont pas survécu aux bouleversements climatiques et humains, ou qui sont en passe de ne pas survivre. Dans cette dernière salle se trouve la grande Horloge de Marie-Antoinette, à elle seule un pan de l’Histoire. Cette horloge, avec son mécanisme apparent, fut construite en 1785 par Robert Robin, à la demande de la Reine, qui voulait une horloge au petit Trianon. En 1794, à la Révolution, l’Horloge est offerte au Muséum. Depuis lors, l’horloge sonne la fermeture de la Galerie.
La Grande Galerie de l’Evolution pourrait être un espace encore meilleur, en améliorant quelques points : la conservation des animaux, certains étant vraiment mal en point (je pense aux fissures de l’hippopotame, par exemple), l’amélioration de l’éclairage, la modernisation des équipements interactifs. Tout ceci si on décide de ne pas toucher au concept même de présenter des animaux inanimés : parfois, c’est la seule façon de voir un animal, malheureusement aujourd’hui disparu. La Grande Galerie possède également une mission scientifique, de classification des espèces. Au sous-sol, une très grande zoothèque, non accessible au public, entrepose encore de nos jours les nouveaux spécimens qui permettent de faire le travail de classification et de registres de la diversité animale: ce sont des millions d’insectes, des dizaines de milliers d’animaux qui y sont entreposés.
Laisser un commentaire