Pauvreté à Paris : clochards et nouveaux pauvres
La ville du luxe, la ville lumière, capitale mondiale du tourisme, Paris, a un autre visage, un visage que l’on ne voudrait pas montrer, un visage qui n’est pas forcément dans l’esprit des touristes venus à la recherche des merveilles architecturales ou des achats de luxe sur les Champs Elysées. Comme dans toute grande métropole, il y a le faste, mais également la pauvreté, les gens laissé à la marge de la société, qu’on fait semblant d’oublier, mais qui sont trop souvent le sujet des débats politiques, malgré eux.
C’est sûr, si on se promène dans les beaux quartiers de Paris en plein jour, on ne trouvera que la façade propre de la ville, que le coté lumineux, que l’on montre aux touristes et aux journalistes de passage. Ici règne la propreté, l’ordre, la police fait son travail dans le respect de la Loi et on trouve facilement une âme charitable pour nous renseigner si nous sommes perdus. Les grands magasins regorgent de clients, prêts à payer une fortune injustifiée pour un bout de tissu qu’ils ne porteront même pas. Mais le soir tombé, un autre curieux spectacle s’offre à nous, une fois que les bourgeois sont rentrés dans leur propriétés privées dans les Yvelines et les touristes rentrés à l’hôtel…
Paris, de moins en moins une ville populaire, désertée par la classe moyenne fuyant les prix scandaleux de la pression immobilière, a désormais une nouvelle population. Les beaux quartiers du 16e arrondissement sont devenus des résidences secondaires, les arrondissements centraux devenus des logements pour personnes de passage, comme les étudiants et les riches étrangers, tandis que les quartiers de l’est parisien, traditionnellement populaires, voient petit à petit leur population changer. Nous allons voir dans cet article trois types de pauvretés à Paris, très différents, mais qui indiquent un changement social au sein de ce qui était jadis une des capitales les plus accessibles d’Europe.
Les clochards
Inutile de venir avec des euphémismes comme « SDF » pour les sans domicile fixe, les personnes qui n’ont plus de logement: nous les appelons clochards, des gens qui ont dû renoncer à une hygiène de vie correcte, des gens qui à un moment de leur vie ont renoncé à se prendre en charge ou qu’on a empêché de se prendre en charge. Tout le monde les connait, il y en a dans chaque coin de rue, à chaque station de métro, faisant la manche pour beaucoup, ne demandant rien pour la plupart, mais tous soumis au froid le soir venu, tous devant faire la queue lors des distributions gratuites de nourriture organisées par le samu social et autres organisations d’aide à la pauvreté.
Ils représentent la hantise sociale, ce qu’il ne faut surtout pas devenir. Il est impossible de tomber plus bas. Quand on arrive à ce stade, c’est qu’on a plus d’amis, plus de soutien. Très souvent victimes de la drogue, de l’alcool, les clochards ne sont pas là par choix. Une fois tombé dans la misère, il est très difficile d’en sortir. Qui n’a pas vu un de ces nombreux reportages nous expliquant que lorsque l’on a plus d’adresse, il est devenu pratiquement impossible de trouver un logement? Que lorsque l’on a plus d’adresse, plus d’argent, il est évidemment impossible de louer? Que lorsque l’on a plus d’adresse, il est pratiquement impossible d’avoir un logement social?
Cette frange de la société n’est plus affectée par les crises, le chômage, les plans drastiques de redressement de l’économie. Ils ne peuvent pas tomber plus bas de toute façon. Pour beaucoup, psychologiquement détruits, ils ne peuvent plus s’occuper d’eux mêmes! Il est difficile de savoir combien sont-ils exactement. Beaucoup n’ont plus de papiers d’identité, beaucoup ne comptent même plus aux yeux de l’administration. C’est comme si ils étaient morts. Aux dernières estimations, 8000 clochards dans les rues de la capitale. 8000 morts, 8000 personnes qui ne compte pas. Combien coûterait à la ville de Paris, une des plus riches du monde, de loger ces 8000 personnes? Je ne dis pas que toutes aient un appartement aux « frais de la princesse », mais au moins un point d’accroche, partagé, qu’il pourrait utiliser pour dormir et recevoir du courrier. Faisons les calculs ensemble: 8000 personnes, à 10 personnes par « appartement », ou « logement collectif », ça ferait 800 appartements. 800 logements collectifs, soit 40 par arrondissement, pour éradiquer les gens qui dorment dans la rue. Est ce que c’est un objectif réalisable? Franchement oui, c’est très modeste, 800 logements sociaux collectifs, en attendant d’avoir mieux, pour parer à l’urgence!
Le cliché du vagabond « par choix » a vécu, trop rares sont ceux qui le sont vraiment. On pensera surtout aux « punks à chien », des jeunes à la recherche d’un mode de vie différent, mais qui souvent ont une famille aisée qui peuvent les aider! Heureusement, beaucoup d’organisations aujourd’hui viennent en aide aux SDF, comme les enfants de Don Quichotte pour le logement, en squattant (illégalement) les nombreux immeubles vides de la capitale, en organisant des opérations comme le logement des SDF dans des tentes le long du Canal Saint Martin. Tout pour sensibiliser l’opinion publique, qui malheureusement ne semble pas s’en émouvoir plus que ça.
Et comment vraiment se sentir coupable de leur déchéance? Parlons à bâtons rompus: le citoyen moyen se dit qu’avec la quantité d’aides de l’état, les APL, la CAF, les restos du coeur, le RSA, il est difficile de dire qu’on a pas donné leur chance à ses pauvres diables, et que finalement, ils n’ont que ce qu’ils méritent. C’est un raccourci facile à faire, habituellement emprunté par la droite, mais n’avons nous pas le droit à l’erreur? N’avons nous pas le droit d’avoir été victime d’une dépression profonde à la suite d’une dépression? Si la réponse est oui, alors il faut travailler tout notre possible pour prévenir, pour empêcher que cela n’arrive. Soyons cyniques: ne serait-ce que pour ne plus voir ces personnes inesthétiques occuper les portes des grands magasins luxueux!
Aujourd’hui nous voyons la répression plutôt que la prévention, on ordonne aux clochards de changer de place plutôt que de dormir dans les beaux quartiers, pourtant ceux qui permettent d’avoir le plus de confort quand on dort la nuit, et le plus de charité. J’ai été choqué de voir autant de personnes laissés sur le coin de la rue, dormant à la belle étoile, devant les Galeries Lafayette et le Printemps, des hauts lieux de la consommation et du luxe, alors que nous étions en pleines vacances de Noël. J’en vois d’ici qui vont dire: « c’est beaucoup d’étrangers venus pratiquer la mendicité professionnelle chez nous ». Je ne sais pas si c’est vrai, je ne connais pas les proportions, mais au final, qu’est ce que ça change? Ne sont ils pas pauvres également? N’ont ils pas besoin de manger également, ce qui fait tourner notre industrie agro alimentaire, quoiqu’il arrive?
Les quartiers populaires
Mais la pauvreté parisienne, ce n’est pas que des clochards. C’est aussi ces quartiers insalubres, ces gens qui vivent à 10 dans une même pièce, ces personnes qui vivotent pour payer les loyers honteusement élevés, faute d’avoir pu trouver un logement social. Ce sont ce qu’on appelle les « mal logés », qui souffrent de conditions de vie impropres à l’éducation des enfants, qui ne savent pas ce que c’est que d’avoir une chambre à soi. Des rues, des quartiers entiers se retrouvent dans cette situation, y compris à Paris intramuros. Ces gens travaillent, ces gens font vivre Paris, ce sont eux qui font le ménage dans les immeubles, dans les bureaux, qui vident les poubelles, qui font les métiers que trop de gens ne veulent pas faire.
Beaucoup d’étrangers sans papiers sont dans cette situation, comme on peut s’en douter. Ce sont les exploités du système, que l’extrême droite française aime agiter à tous vents pour faire peur. Les quartiers que l’on nomme de « populaires » ne sont rien d’autres que des quartiers pauvres, très peuplés, où les marchés sauvages sont légion. Ces marchés à la sauvette, illégaux, permettent aux plus pauvres d’acheter de quoi se vêtir, de faire du troc. Les commerçants officiels ne sont pas contents de cette concurrence qu’ils jugent déloyale, les riverains un peu moins pauvres se plaignent de l’agitation, mais le seul véritable moyen pour éviter ce type de marché que l’on rencontre chaque soir à Belleville par exemple, c’est d’améliorer les conditions de vie des clients…
L’insalubrité de bon nombre d’immeubles parisiens est devenue presque légendaire. Ces constructions destinées aux ouvriers du XIXe siècle n’ont plus rien du confort moderne, et tout de l’ancienne ruine menaçant de s’effondrer à chaque instant. Je sais que j’exagère à peine, les incendies dans les immeubles vétustes sont malheureusement assez courants par chez nous à Paris. Les HLM ne sont pas qu’une réalité de banlieue, mais également une réalité bien parisienne, où l’on « parque » les plus pauvres de la société dans des sortes de cageots à poule. Mais ceux-là ne sont pas encore les plus à plaindre, je pense pour ma part qu’il vaut mieux vivre dans un de ces HLM datant des années 70 que dans les vieux immeubles du XIXe siècle, sans ascenseur et escaliers en bois…
Les nouveaux pauvres qui s’ignorent
A coté de tout ça, il y a une autre sorte de pauvres, ceux qui s’ignorent. C’est étrange, comme catégorie de gens, comment peut-on ignorer qu’on est pauvre? Tout simplement parce que notre « pauvreté » est volontaire. Des gens prêts à vivre dans un espace minuscule, pour un prix assourdissant, volontairement. Parce que vivre à Paris, c’est bien, être dans la capitale, c’est chouette. Pour ceux qui n’ont pas le choix, ce type de personne est presque détestable, ils contribuent à la hausse généralisée et soutenue des prix de l’immobilier. Pour moi, quelqu’un prêt à payer 1000 euros pour un petit deux pièces est un nouveau pauvre. Même avec son bon salaire de 3000 euros, il ne peut pas s’offrir de meilleur logement qu’un deux pièces de 30m².
Impossible de faire une vie de famille, difficile d’inviter des potes à la maison. Les sorties que l’on prise tant sont également très chères, la moindre bière pouvant facilement coûter 5 euros. Avec de tels tarifs, il est bien sûr pratiquement impossible d’épargner. Ceux qui ont fait le choix de l’espace en revanche, d’avoir un logement plus confortable, doivent s’exiler en banlieue, et passer une heure ou deux dans les transports. Sans doute sont-ils mieux logés, sans doute arrivent-ils à économiser un peu d’argent, mais à quel prix! Au prix de leur vie familiale, au prix du temps qu’ils ne passent pas avec les amis, mais avec le métro et le RER. Pauvres d’argent ou « pauvres de temps », leur situation sociale n’est pas très enviable. Mais ces nouveaux pauvres s’ignorent, car c’est une pauvreté dans l’apparence « volontaire »: ils auraient choisi cette vie. Le fait de choisir entre la peste et le choléra ne rend pas forcément la situation supportable. Le logement est toujours petit, le temps passé dans les transports est toujours important, ce qui joue toujours sur la psychologie, sur l’état d’esprit de la personne.
Si on me demande quelle serait la solution à quelque chose de si complexe, je répondrais que c’est bien plus facile que ce que l’on croit. Commençons par délocaliser l’administration nationale ailleurs qu’à Paris. Donnons aux marseillais le ministère de la Santé, aux nantais le ministère de la défense, et ainsi de suite. L’état peut montrer l’exemple aux entreprises privées! Ensuite, créer un deuxième pôle d’activités comme la Défense, mais de l’autre coté de la capitale, à Pantin, Montreuil ou Fontenay-sous-Bois. Histoire d’équilibrer, de réajuster l’offre d’emploi dans la région parisienne. Ceci aura de plus pour avantage de désengorger les transports publics. Oui, c’est une utopie.
votre article m’a touchée. Je suis parisienne depuis 6 ans et avant cela je vivais dans une banlieue défavorisée du Val-de-Marne.
Chaque jour nous sommes confrontés au spectacle de la misère la plus criante,totalement impuissants. Il m’arrive de donner une pièce, de faire un don ou de participer à une collecte pour la banque alimentaire mais c’est une goutte d’eau dans l’océan.
Je me dis que je paie des impôts qui en principe devraient être redistribués.
C’est sans doute un problème politique d’envergure qui dépasse le simple citoyen, quoique c’est justement au simple citoyen de faire pression sur les politiques.
J’aime beaucoup votre Blog car je m’y retrouve. Vous êtes un amoureux de paris comme moi.
Bonne continuation.
Lili
Pourquoi vous parlez des personnes de droite comme ca ils sont pareils que nous . c’est facile de se dire ca . moi je suis de gauche et je trouve que vous abusez je veux juste dire un truc :
COMMUNISTES !
nous sommes tous témoins … mais que pouvons nous faire a part donner une petite pièce de temps en temps … nous sommes tous pris par le temps, et tous pris à la gorge avec tous les prix qui montent. ou vont nos impots ? eternelle question. aussi, je ne pense pas que la gauche vaille mieux que la droite meme si je suis de gauche. pour finir, c dur de voir ces pauvres gens l’hiver quand nous meme bien habillés avons très froid … se retrouver à leur place fait evidemment peur a tout le monde. si j’étais très riche (j’aurai tant aimé :-)) je foncerai pour donner une chance de se relever à un d’entre eux. certains ont juste besoin d’un coup de main !!
On parle de discours de droite mais alors que fait le maire de Paris qui lui est socialiste… si socialiste il est il ne devrait donc plus y avoir de misère sur les trottoirs de Paris
Je suis née, j’ai vécu des années à paris et je suis partie il y a 25ans. Je suis boulversée de revoir tous ces pauvres dans les rues, certains installés dans des cabines téléphoniques, d’autres avec bébés sur des matelas sordides….et puis autour les constructions, le luxe; je ne peux comprendre à l’heure de la science performante que nous en sommes là, incapable de donner un toit à ceux qui en ont besoin
Italo-éthiopienne, je vis à Rome où la situation est la même. C’est juste de donner des logements appropriés à tous ceux qui en ont besoin, même en en construisant des nouveaux en banlieue. Mais, à mon avis, cela ne résoudrait pas le problème car d’autres milliers de clochards viendront de tous les cotés remplacer ceux qui viennent d’être logés proprement. La pauvreté a été accélérée et aggravée par les buts de la globalisation dont les cadeaux, pas encore tous dévoilés, ne sont ni gratuits ni indolores. Si on veut – dans l’intérêt de tous – conserver et préserver l’Occident, ses villes, son histoire, peut-être faudrait-il rééquilibrer la distribution des habitants de la terre, les logeant là où ils peuvent travailler, vivre dignement et exprimer librement leur valeurs. Ce n’est pas en les accueillant par millions sur le dos des capitales et villes ‘civilisées’ du monde qu’on résout leur problème de pauvreté. Au contraire ce faisant on étouffe la civitas existante et avec le temps on en arrête ou même désintègre le tissu culturel et social, sans pouvoir intervenir même dans les cas de vandalisme car domine la justification conventionnelle selon laquelle les pauvres sont toujours innocents et ne peuvent être responsables de rien à cause de leur condition. D’une chose je suis absolument sure: ce n’est pas la pauvreté qui empêche, diminue ou efface les valeurs, par conséquent les pauvres qui agissent illégalement sont responsables au même titre que les autres, la délinquance n’ayant droit à l’extraterritorialité à aucun niveau social. Droite et Gauche ne sont que des classifications surmontées utiles uniquement à confondre la vision de la réalité et à faciliter la domination globale.
Bonjour Lili
Vous donnez une petite pièce de temps en temps comme je le fais moi mm.Mais vous pensez que cela est une goutte d eau dans la mer. Je ne suis pas de votre avis .Une petite pièce , si en plus elle est accompagnée d un sourire ou de quelques mots amicals a toute son importance contrairement a ce que vous semblez croire.Perséverez et si vous pouvez convertir votre entourage à vos pratiques altruistes ca n en sera que mieux.
Cordialement
Vince